L’accroissement de la taille du secteur informel en Afrique pose le problème de la capacité des États à disposer des recettes fiscales nécessaires pour répondre aux normes défis de développement. En dépit des stratégies de politiques publiques mises en oeuvre jusqu’aujourd’hui, la taille du secteur informel continue d’augmenter. Il est donc grand temps d’adopter de nouvelles stratégies qui s’attaquent aux causes plutôt qu’aux conséquences de ce problème. Dans plusieurs de nos publications, nous conseillons les économistes de s’attaquer plutôt aux causes des problèmes que des symptômes. De façon générale, le secteur informel regroupe l’ensemble des activités économiques qui échappent à l’administration fiscale. Elles sont différentes des activités de contrebande qui s’exercent en dehors du cadre légal comme le trafic de stupéfiants (Georges Vivien Houngbonon,économiste béninois, 2012).
Avec plus de 50% du PIB selon les estimations , le principal enjeu du secteur informel en Afrique réside dans le manque à gagner qu’il crée pour les recettes fiscales de l’État. Ce manque à gagner entrave la capacité de l’État à mettre en place des politiques publiques destinées à organiser la migration vers le secteur formel. Ainsi, le secteur informel semble entretenir ses conditions d’existence. Face à ce cercle vicieux, la question qui se pose est de savoir s’il faut l’éradiquer : si oui, comment ? Quoique la question est souvent éclipsée par la multitude d’urgence sociales et économiques de divers ordres, il n’en demeure pas moins qu’elle resurgit chaque fois qu’il est question de la soutenabilité des recettes, de l’organisation économique du marché, ou de la promotion des politiques de protection sociale dans les pays en développement.
Le caractère dualiste de la plupart des économies africaines, caractérisées par un large secteur informel échappent au paiement des impôts, peut être un obstacle à une croissance durable. le secteur formel, réduit à sa plus simple expression et comprenant principalement l’investissement privé étranger, doit supporter un fardeau fiscal complètement disproportionné, qui obère sa compétitivité. A l’inverse, la contribution du secteur informel au recouvrement fiscal contraste très fortement avec sa part dans la valeur ajoutée globale. N. Benjamin et A.A. Mbaye (2012) relèvent que dans les pays de l’Afrique de l’ouest francophone, les grandes entreprises formelles contribuent pour plus de 95% des recouvrements fiscaux, alors que le secteur informel contribue pour moins que 3%, contrastant avec plus de 50% de contribution à la valeur ajoutée globale. Cette dualité formel/informel conduit à un cercle vicieux dans lequel les taxes et autres charges réglementaires s’accumulent sur le secteur formel, conduisant celui-ci à se rétrécir au fil de la fermeture de ses entreprises ou de leur intégration au sein du secteur informel, et la diminution de l’investissement étranger. De plus, on note un phénomène de harcèlement envers le secteur formel de la part des autorités fiscales. En Afrique de l’ouest, beaucoup de dirigeants d’entreprises formelles se plaignent qu’une fois identifiés par le fisc, ils font l’objet de nombreuses inspections et redressements fiscaux répétés (Benjamin and Mbaye 2012). Face à ces défaillances, une nouvelle approche de gestion du secteur informel s’impose à la Guinée. Elle se fonde sur l’idée qu’il est important d’éradiquer le secteur informel en s’attaquant aux causes plutôt qu’aux conséquences. La plupart des politiques s’attaquent aux conséquences du secteur informel plutôt qu’à ses causes. Dès lors, elles risquent de renforcer la croissance du secteur. En effet, l’existence du secteur informel caractérise le niveau de développement économique d’un pays et son évolution dépend de facteurs qui entravent une croissance économique endogène. Dès lors, les stratégies de mise en oeuvre des politiques qui visent le secteur informel devraient chercher à lever les obstacles au développement des secteurs primaires et secondaire de l’économie Guinéenne. A cette fin, l’importation massive des biens et services doit être remplacée par la production et la transformation au niveau local. Une récente étude de la commission Économique des Nations Unis pour l’Afrique fait le parallèle entre l’accroissement du secteur informel et la libéralisation grandissante des échanges internationaux. Il ne s’agit pas de pratiquer du protectionnisme, mais plutôt de s’atteler à développer les secteurs agricoles et manufacturier. Le potentiel de développement de ces secteurs pourvoyeurs d’emplois formels est bien établi par le volume des importations qui vont sans cesse croissantes. La formation professionnelle et l’emploi des jeunes devraient être la priorité et non la promotion des politiques sociales destinées à entretenir le secteur informel sans aucune contrepartie, ni perspective dès lors que ces politiques ont tendance à encourager l’informalité comme le souligne l’article de Aterido et ali.. En définitive, le secteur informel constitue un enjeu de développement majeur pour notre pays. Face à l’accroissement de sa taille, il est grand temps qu’une nouvelle approche soit adoptée.
ACTIONS À ENTREPRENDRE : – Lancer des négociations entre le public et le privé pour améliorer à la fois les performances de l’État dans la délivrance des services publics et le niveau de contribution à l’impôt des différents acteurs. Un tel dialogue, qui doit être profitable aux deux parties, devrait inclure les acteurs de l’informel et aller au-delà des parties ayant plutôt intérêt au statu quo ; – Au niveau global, revoir les clauses qui y encouragent le commerce informel dans les politiques commerciales et poursuivre les réformes liées à la gouvernance, telles que l’interconnexion des réseaux de la douane et des impôts, pour rendre les réseaux commerciaux plus transparents et mieux à même d’intégrer les pays frontaliers dans l’économie mondiale ; – Au niveau régional, mieux coordonner les politiques économiques afin de réduire les incitations aux comportements illégaux et d’éviter les distorsions qui font le lit de la contrebande, notamment en harmonisant les barrières tarifaires et non tarifaires au sein des espaces régionaux, et en mettant sur pied des institutions plus solides, permettant d’endiguer les comportements opportunistes ; – Dans le même temps, prendre en compte l’impact du commerce informel dans les régions frontalières démunies et développer les sources alternatives de revenus ; – Enfin, poursuivre le développement des programmes visant, par l’accès à la formation et aux services sociaux de base, le renforcement des acteurs les plus vulnérables et la performance des plus petites entreprises du secteur informel, sans forcément avoir pour objectif de les formaliser ou de les taxer davantage
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